In Solitudine Cordis
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Avance dans la lumière des ombres, jeux de poussière et de temps, d’illusions et de larmes… Je vous souhaite de merveilleux rêves.
 
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 ~ Archives de Nocte : Première Partie

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Eowin Roslyn
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Eowin Roslyn


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~ Archives de Nocte : Première Partie Vide
MessageSujet: ~ Archives de Nocte : Première Partie   ~ Archives de Nocte : Première Partie Icon_minitimeMar 16 Fév - 0:42

<< C’est un monde veule et cru, une atmosphère pesante, un univers flou, embrumé et obscur, qui ne se dévoile pas aux âmes ignorantes. Ici il y'a le sol ; mais jamais il n’y a de ciel. Il fait trop sombre en Enfer pour distinguer les nuages ; et les averses tombantes ne sont que les pleurs des suppliciés. Selon qui tu es, qui tu seras, qui tu as été, ici sera l’Enfer, et là le Paradis. Seul le Maître est juge des condamnés, car les chants de pitié n’ont ici bas aucune portée. >> Maudit Sans Nom.

~ Archives de Nocte : Première Partie 2jbjh5d

    J’avais tout perdu. Tout donné, tout égaré, on m’avait tout pris et je n’avais alors plus rien. Comme un brouillard sans feu ni phare, grisâtre, fade, inodore. Mes sens ne me servaient plus puisqu’au-dedans, j’étais mort. Sans existence, sans passé, sans avenir, une espèce d’enveloppe rongée par l’amertume d’un renouveau qui tarde toujours à se faire et dont on sait qu’au final, il n’arrivera pas. C’était comme un gouffre. Un puits, sans fond ni fin, un trou d’Alice au Pays des Merveilles qui mène droit vers le cauchemar d’un enfer absolu. Déchéance. Déraison. Il n’y avait plus de lumière dans les insomnies silencieuses qui s’éprenaient de ma cervelle jusqu’à l’épuisement. Une brèche insipide où je ne cessais plus de chuter.

    Alors j’ai dit oui. En échange de quelques promesses balancées ça et là, des illusions de futur plus avenant, une assurance de vie nouvelle, d’existence améliorée. Drôle de terme pas vrai ? Des serments en tout genre posés sur mon chemin comme les cailloux guidant le Petit Poucet. Alors j’ai foncé, signé, approuvé, donné un peu de mon sang, un peu de ma peau aussi, et tout le reste ignoble de ma vie putréfiée, encrassée par les remords. Je suis devenu l’Alpha. Le premier. Un rôle qui allait bien à l’ancien capitaine de marine en bonne forme comme je l’étais, après tout, j’étais habitué aux postes bien placés, où la flatterie se confond avec la stupidité dans l’esprit des gradés. A force de se faire monter le bourrichon par les sous-officiers qui veulent leurs jours de paix, on ne peut que devenir des brutes finies. J’étais plutôt content d’être une brute finie, avant. Maintenant, j’étais juste fini, c’était plus court.

    Il y avait eu les tests. Les épreuves, mentales, physiques, psychologiques, où on te demande de dire ce que tu vois dans une tâche, histoire de voir si t’es pas un peu barge. Les séries de couleurs qui défilent devant tes yeux, les observations du poumon, l’un, puis l’autre, de la moelle épinière, fallait bien voir que rien ne clochait. Les expertises du cœur sont venues plus tard, je devais courir à en cracher mes tripes, pendant qu’un sadique en blouse blanche me prévenait que le rythme allait augmenter. Il y avait un petit souci de ce côté-là, je me rappelle. Comme quoi j’étais cardiaque, ils m’avaient fait rire, après quinze ans de marine ça me tombait dessus comme une fleur. Ce n’était pas bien important, pourtant, puisqu’ils m’avaient gardé. Ou alors, ils s’en foutaient.

    Enfin, le Jour. On avait descendu des étages et des étages en ascenseur, par dizaines peut-être, dans les profondeurs des sous-sols. Sans doute même qu'on était sous la mer, qu'est ce que j'en savais ? C'était selon un médecin narquois, pour étouffer les "cris des suppliciés". M’enfin je m’en occupais pas, il devait vouloir me faire peur ce con. Ca devait faire deux mois que j’étais en errance dans ces labos, moins dorloté qu’un canard en batterie, mais j’étais pas là pour ça. Enfin, le voyage, la sortie, la porte de secours sous la forme d’un gros coffre de métal. Oui bon, au début, j’avais été déçu. Je me suis allongé et j’ai attendu, sommeillé en fait. Ca a duré des heures, le temps qu’il mette tout au point, j’avais l’air con, dans ma boîte avec des fils partout, dressé verticalement un peu au dessus des scientif’s tel le Messie parmi ses apôtres. Ils m’ont fait remettre à l’horizontale, une infirmière stupide m’a conseillé de me détendre, qu’il allait faire tout noir mais que ce n’était rien, comme si j’étais un petit animal apeuré. Enfin, ils m’ont enfermé dans mon coffre. Ma boîte. Mon sarcophage.

    Tu sais, quand tu te lèves après une nuit de cuite, avec l’ouïe exacerbée, la bouche pâteuse, le gosier sec et la gueule de traviole ? Eh bien mon atterrissage, c’était ça. J’ai levé les bras et poussé le couvercle de la machine. Je n’étais pas seul.Ils me fixaient tous, ces imbéciles de médecins, avec dans l’œil une espèce d’avidité. Sitôt que je les ai regardés, ils se sont rués autour de moi, empressés, pour me sortir de la boîte et me remettre des fils partout dans les veines, me poser des questions par dizaines, si vite que je ne pouvais pas répondre, et me tendre des feuilles de réponses. Je les ai tous rabroués dans le genre méchant, parce que j’en pouvais plus. Au début, ça allait, je me suis mis debout et je n’avais pas d’autre impression que d’avoir dormi d’un sommeil de plomb. Et puis, c’est revenu, doucement. De plus en plus. Jusqu’à ce que la moindre image soit claire. Et là, je me suis mis à hurler. Enfin, plutôt, je m’entendais hurler, mais j’étais pas bien sûr que ca soit moi. Pourtant, autour, ils s’affolaient les trois pauvres blouses blanches, avant de m’enfoncer des trucs dans les bras pour me calmer sans doute. Je les voyais pas vraiment. En fait, je crois que je ne voyais plus rien. Et je suis tombé.

    Je me suis réveillé dans une chambre blanche et aseptisée, lit d’hôpital, attaché comme un fou. De toute façon, j’étais trop vaseux pour bouger, je pouvais à peine ouvrir les paupières et ma vue était floue. Alors quand j’ai réussi à bien cadrer ma vue, j’ai tout de suite eu envie de refermer les yeux. Il était là, tranquillement devant moi, un de ces monstres que j’avais vu quand j’étais en « voyage ». Il avait forme humaine, mais je l’ai reconnu sans effort, avec son regard un peu dans le style déviant psychopathe à qui il manque une case. Il s’est animé enfin, quand il m’a vu éveillé, et s’est adressé à moi d’une voix normale, trop naturelle pour une chose de son genre, comme s’il n’était pas un amas noirâtre et horrible dans son Monde à lui. Je ne comprenais pas vraiment ce qu’il disait, mais j’écoutais avec attention. Chaque mot se détachait d’une manière bien distincte, et parfois, une sonorité me faisait tendre un peu plus l'oreille. Pourtant, j’étais absolument sûr de ne pas parler la même langue que lui. Mais au fur et à mesure, je saisissais. Il parlait de quelque chose qui s’était produit… Les autres médecins sont arrivés, les trois mêmes que ceux qui m’avaient endormi plus tôt. Ils se parlèrent entre eux et moi je regardais, hagard, perdu aussi. Je perdais pied à nouveau. Mais pas mon corps.

    Je me levais. Avec aisance, je m’adressais aux autres dans leur langue, qui me regardaient avec adoration. Je voyais tout, mais je ne maîtrisais rien. Ce n’était pas moi. J’entendais parfaitement chaque syllabe rouler dans ma gorge, mais je ne le contrôlais pas, et alors enfin je saisissais bien ce qui se passait. Il y avait quelque chose, en moi. Qui dirigeait mon corps, ma tête, ma voix. J’étais un spectateur de mon âme. Il s’adressait à moi et je le comprenais parfaitement, me remerciant dans un rire aigre pour mon enveloppe charnelle, le son de sa voix déambulant dans mon corps comme un visiteur qui se déplace, avant qu’il n’affirme d’un air satisfait qu’il se contenterait de partager avec moi cette enveloppe, n’ayant pas besoin de prendre la peine de me tuer, préférant rester « locataire » plutôt que « propriétaire ». Et moi, dans ce charabia, je regardais l’Autre diriger mon corps, observer mes mains, tâter mon visage, plus muet qu’une tombe.

    C’avait duré des jours déjà, je m’y faisais. J’apprenais beaucoup mais je vivais en regardant ma vie. Celui qui possédait mon corps s’était déclaré officiellement Chef de Projet Scientifique, montrant aux scientifiques qui n’étaient pas dans le coup tout un CV de professionnel auquel je pigeais que dalle ; et non content de me faire vivre un calvaire, l’autre ne dormais pas, et quand je voulais reposer ce qui me servait de conscience, ce qui me laissait penser que j’étais encore en vie, les rêves qui m’étaient imposés étaient des vues de son Monde, des souvenirs de mon existence humaine, et de ce qui avait composé mon voyage… Le plus souvent, je préférais me mettre en pause, et abandonner doucement tout espoir d’échappée pour m’informer, écoutant ce qui se disait. Parfois, l’Autre parlait de moi, disant dans un sale rire moqueur que je m’agitais dans le tréfond de ma tête, et les médecins qui savaient s’offusquaient, parlant d’honneur pour moi, car je servais de réceptacle à l’Illusionniste. Celui là d’ailleurs ne se prenait pas pour n’importe quoi, et répliquait avec aisance que mon corps était assez facile à manier et qu’il possédait assez d’avantages pour qu’il supporte sans rechigner mes plaintes. J’avais vraiment envie de le tuer. Mais étant donné que je n’avais pas même le contrôle de mes globes oculaires, c’était assez dur d’envisager quoi que ce soit.

    J’appris beaucoup de choses sur ce foutu deuxième monde, notamment que les médecins au courant pour le côté double de ma personne étaient pour la plupart des Emanants, soit des Maudit ayant tués leurs Donneurs de Rêves ; d’autres encore étaient des humains, assez barges pour être tout à fait d’accord avec le projet de faire sortir d’un monde parallèle des monstres suceurs de vie pour leur donner un corps dans notre univers. Je voyais chaque jour des cobayes, comme j’en avais été un, passer les uns après les autres à la « boîte », pour devenir des Donneurs de Rêves hantés par des Maudits ne cherchant qu’à les faire se tuer. Ils me faisaient de la peine, la majorité des ces gosses ne devaient pas dépasser les vingt-cinq ans, alors je commentais, je gueulais un peu dans le silence de mon âme, ca faisait parler l’Autre qui m’expliquait tout par le biais de pensées, se donnant à cœur joie de me raconter ses plans pour donner vie à tous ses chers subordonnés. Je compris pourquoi il n’avait pas fait comme les autres, me pousser à aller me suicider à Simmer Dim : il était grâce à moi dans la capacité de passer d’un monde à l’autre sans problèmes, puisqu’il y avait toujours une conscience pour faire vivre mon enveloppe charnelle. Sauf que quand il partait, il prenait toujours soin de me faire attacher, pour qu’au moment où je sois libéré de son entrave, je sois dans l’incapacité de bouger et de me tirer. Pas con, le type, il avait tout prévu, et je me retrouvais stupide, à brailler comme un fou qu’on me libère. Au fond, je l’étais peut-être, fou.

    Une anecdote intéressante sur cette saleté d’île : elle fonctionne comme un portail, et Simmer Dim est son point de départ, ou de retour si l’on veut. L’Autre m’a raconté tous les détails : comme quoi Nocte est habitée par une conscience, qu’elle aurait relâchée des esprits du deuxième Monde, ceux qu’on appelle Bénis, les « naturalisant ». Les autres esprits, dont l’Autre affreux s’occupe, lui sont directement dévoués, et il les libère du Deuxième Monde par un moyen non naturel ; ce sont les Maudits. Entre ces deux races d’esprits, c’est plus ou moins chien et chat. Les premiers sont assez proches des humains, les autres veulent les tuer pour vivre, il y a mésentente ; parfois même, les Bénis empêchent les Maudits de venir au monde en tuant le Donneur de Rêve. Ca m’a un peu choqué, moi qui croyais qu’ils étaient copains avec nous, les hommes. Mais non. Comme quoi, des deux côtés, on croise de tout. Et quand ca arrive, ce genre de choses, l’Autre il devient fou. Il hurle et quitte le monde réel pour aller s’apaiser dans le Deuxième lieu, quelque chose comme ça. De la défiance des hommes entre eux procède la violence, et cela vaut bien pour les non-vivants. Je m’habitue doucement, avec l'impression evanescente de me perdre, comme dans un labyrinthe profond. Je m'égare lentement.

    Il y a beaucoup de morts parmi les cobayes, avant même qu’ils ne sortent de la boîte à voyage. Ils crèvent sur la table, pauvres souris de labo, terminant leurs vies en convulsions et hémorragies internes, hurlant de tous leurs poumons. Parfois même, l’Autre les achève, et ca me tue de voir ça. Il se fout bien de moi, et de ma manie à être trop « sensible ». Je sais que je perd le contrôle. Petit à petit, il prend possession de moi et je sens déjà mon cœur se serrer un peu plus à chaque seconde. Je redoute l’anéantissement, cette fin si proche qui me guette avec une impatience que je devine dévorante. Et cette peur dont l'Autre se moque tant, je l'assume, pour la première fois de ma vie. Car elle est bien la preuve qu’il reste encore en moi une part d’humanité. Mais pour combien de temps ?

    ~ Archives de Nocte : Première Partie 2jbjh5d

    << Il y a toujours eu quelque chose sur cette île. Une aura, une ambiance, un décor. Une mise en scène qui se veut gaie le jour et reste pourtant secrètement funèbre la nuit. Une ombre rôdeuse et faisant des sourires qui n’en restent pas moins aiguisés. Nocte est vivante. Sans doute bien plus que moi. >>

    ~ Archives de Nocte : Première Partie 2jbjh5d
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~ Archives de Nocte : Première Partie

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