Ici sont rapportées les grandes lignes du passé de notre île, et ses faits les plus marquants. A noter que les résidents de Nocte connaissent sur le bout des doigts leur histoire et se déclarent fiers de leur patrimoine culturel...

Nocte fut découverte, parait-il, entre -900 et -800 av. Jésus Christ, par le peuple celte. Lointaine des autres îles, et plongée alors dans un brouillard permanent, il semble qu’elle fut baptisée tout d’abord Rödengar. Néanmoins, l’on a pu constater lors des fouilles archéologiques de 1987 que les monolithes présents au centre des terres datent de bien avant l’arrivée des celtes ; on les situe vaguement aux alentours de -7000, les résultats ayant laissés nombres de chercheurs perplexes.

L’île ne prit son nom définitif de Nocte que bien plus tard, au IIème siècle où elle fut longuement habitée par des Pictes en provenance d’Ecosse. Une grande majorité de ce peuple plein de superstitions finit dit-on par la fuir, et la minorité établie sur l’île y vécut jusqu’au IVème siècle, animée par des croyances et des sacrifices religieux dont les dernières traces restantes aujourd’hui n’ont toujours pas pu être déchiffrés. Il paraîtrait en tout cas que la population se soit éteinte après s’être entre-tuée, car l’on a pu retrouver des preuves indiquant le cannibalisme comme rituel sacré chez ce peuple. D’autres causes ont été également proposées, comme une éventuelle guerre avec d’autres ethnies celtes, ou encore les conditions difficiles de vie sur l’île à l’époque. Pour preuve de ces théories, l’on peut citer le nombre impressionnant d’os et de restes humains retrouvés dans diverses grottes terrestres comme sous-marines, évoquant la possibilité que les Pictes fuyaient « quelque chose ».

L’île, de par sa position géographique, a été par la suite envahie par un peuple nordique ; en cause de ces suppositions, les découvertes de ruines templières datant du VIIIème siècle sur lesquels on retrouve régulièrement le mot « Wyrda » signifiant « destin ». La particularité de ces découvertes reste qu’il semble que le temps n’est pas seul en cause dans l’aspect des ruines du temple d’Odin ; contrairement aux autres gîtes datant de la même époque, l’endroit paraît avoir été brûlé et détruit par un phénomène d’origine naturelle. ( On retrouve d’ailleurs, dans l’une des légendes locales, le fait que l’île n’accepte pas les lieux de culte et les ferait s’écrouler de manière méthodique en un tremblement de terre ; hormis si l’endroit est baigné de sang, en quel cas il tiendra debout. L’on peut faire ici le rapprochement avec la cathédrale du village, unique lieu saint de Nocte ; en effet, au début de son édification au XIème siècle, une jeune fille y a été sacrifiée par les convaincus de ce mythe afin de pouvoir achever la construction sans qu’il n’y ait d’accidents. ) Le peuple nordique a également marqué l’île de par la construction du phare présentement dénommé St Kentigern. Néanmoins, il semble que cette population ne soit restée que quelques dizaines d’années sur Nocte, après quoi s’en suit une période dite de néant historique sur l’île jusqu’au XIème siècle. La terre est alors habitée par quelques agriculteurs qui instaurent le christianisme et débutent la « civilisation » de l’île.

Au XIVème siècle, l’Ecosse prend son indépendance et la plupart des îles avoisinant Nocte sont peu à peu habitées par des agriculteurs et éleveurs de bétail de diverses origines souhaitant s’éloigner des guerres qui ravagent alors les pays. Nocte ne fait guère exception et accueille de nouvelles familles en provenance d’Irlande, d’Ecosse et parfois du Nord de l’Angleterre qui mettent de côté les désaccords entre leurs pays communs et fondent un village unique reprenant le nom de l’île. Quasiment toutes les familles vivant encore sur Nocte ont des liens sanguins avec cette population et sont donc leurs descendances. Durant quatre siècles, ces arrivants se considérèrent comme faisant partie de l’île, et rares furent ceux à jamais retourner sur le continent, revendiquant une indépendance et un groupe social en tant que « Peuple de Nocte ». Plus du tiers de l’île fut alors exploité pour l’élevage de bovins et d’ovidés ou encore pour la culture de maïs ou d’orge, utilisé ensuite pour la fabrication du whisky. De nombreuses traditions toujours en vigueur sur l’île remontent à cette époque, comme la pêche et le tissage de la laine, ainsi que la poterie et la verrerie ; Nocte n’a jamais eu besoin d’importations pour satisfaire pleinement les besoins de ses habitants, contribuant en cela à son indépendance. On a pu remarquer un très fort attachement de la part de la population à l’île car elle leur procurait paix, sécurité et tranquillité, de par son accès dangereux grâce aux rochers et falaises bordant les eaux.

Vers la fin du XVème siècle, une famille de l’aristocratie anglaise fit édifier un hôtel privé devant servir de résidence secondaire ; hors, dès leur premier séjour, le Lord Mc Kaufgneh décida d’y demeurer à temps complet. Il acheta à l’Ecosse l’intégralité de l’île et employa les habitants ; homme d’avenir, il voulut faire raser une partie de la forêt et assécher les marais afin de laisser plus de place à l’élevage. Cependant, un mortel accident coupa court à ses projets lorsqu’à peine sept ans après leur arrivée, lui et toute sa famille furent tragiquement ensevelis sous l’écroulement de la partie sud de la demeure. Les enquêteurs ont pu constater en effet la présence d’impressionnantes fissures au centre même des murs renforcés, laissant supposer que l’hôtel s’affaissait depuis plusieurs années déjà. Pourtant, le personnel rescapé de la maison jure n’avoir jamais entendu de craquements ou vu d’anomalies ; les architectes se sont vus accusés, mais l’on a jamais su avec exactitude la raison de cet effondrement si soudain. Le lendemain des faits, les employés du Lord avaient pour ordre de commencer l’abattement des arbres ; aux suites de la mort de la famille, pas une partie des terres ne furent touchées. L’hôtel, en référence aux nombreux rosiers que Mrs Mc Kaufgneh entretenait aux alentours de l’habitation, fut surnommée le Domaine des Epines. Etrangement, personne n’a jamais pu retrouver dans les décombres les titres de propriétés de l’île.

Au début du XIXème siècle, Nocte attira l’intérêt de divers chercheurs, et la diversité des découvertes effectuées permirent de mettre à jour un nombre incroyable de ruines et monuments anciens. Les sites des alentours du centre de l’île se montrèrent les plus riches mais les recherches durent être de nombreuses fois stoppées en raison des manifestations hostiles des habitants de Nocte envers les fouilles du lieu nommé Simmer Dim : l’affaire fut d’ailleurs menacée d’être conduite face à une cour pénale sur le continent, suite à des agressions subies par les membres des recherches. En 1904, le vapeur Héléna sombra après avoir heurté les roches sous-marines présentes en divers points aux alentours de l’île et tout son équipage ainsi que le matériel destiné à la recherche et aux fouilles archéologiques furent engloutis. L’on suspecta longtemps une machination de la part des résidents de Nocte, car le commandant de l’Héléna était habitué à manœuvrer dans les eaux dangereuses de l’île et ne pouvait pas ignorer la présence de ces récifs ; cependant, jamais rien ne put être prouvé et l’affaire fut délaissée. Les sponsors des recherches refusèrent de financer de nouveaux équipements et les fouilles furent donc abandonnées en 1905.

L’île au fur et à mesure des années ne se développa que très peu, malgré les progrès technologiques qui pullulaient sur le continent ; sa réputation alors devint sujet de moquerie, l’on la disait moyenâgeuse et habitée par des superstitieux. Néanmoins, la population se montrait accueillante, et le cadre tranquille et quelque peu intemporel de Nocte attirèrent pendant plus d’un siècle les touristes en manque de vraie nature et de légendes rurales qui ne se lassaient pas des mythes et des croyances de l’île. Nombre d’historiens s’intéressèrent de près à l’histoire de l’île mais jamais ne furent plus en paix les voyageurs qui profitaient de leurs vacances sans chercher le pourquoi du comment. L’on dit d’ailleurs que les diverses disparitions ayant eu cours sur Nocte concernaient en grande majorité divers chercheurs et scientifiques s’étant intéressés de trop près aux légendes de l’île. Celle-ci d’ailleurs devint rapidement célèbre en Ecosse, et ceux qui retournaient parfois sur le continent contribuaient à son mystère en narrant quelques histoires sordides, embellies, assombries aussi, par la manière dont les habitants semblaient croire à leurs propres paroles. Nocte prit des allures d’île hantée, et le tourisme n’en fut que décuplé. Pour plaire aux étrangers, divers lieux attractifs tel qu'une boîte de nuit et quelques bars ouvrirent leurs portes, afin de contribuer à la renommée du whisky écossais. En 2079 cependant, l’île attira l’intérêt de diverses équipes scientifiques à la recherche d’un lieu relativement isolé pour la construction d’un centre de recherches. De par sa situation géographique, l’île fut d’abord proposée pour l’observation astronomique ; un laboratoire y fut créé, bientôt rejoint ensuite par d’autres structures octroyés à la recherche médicale. L’ouest de l’île fut donc interdit aux touristes et même aux habitants, ceux-ci ne se manifestant que peu, sans doute apaisés par les promesses que rien ne troublerait l’ordre et la paix de Nocte.

Tout devait s’écrouler pourtant lors de l’Implosion en 2106. Le cataclysme qui devait balayer la surface du monde s’avéra d’une puissance égale à nulle autre pareille, et d’une force qu’aucun appareil n’eut jamais pu seulement supposer. Les deux tiers des îles, îlots, archipels, atolls, artificiels ou naturels furent engloutis en quelques heures seulement. Des séismes provoquèrent quantité de vagues qui ravagèrent les côtes continentales, tandis que ceux s’étant produits à l’intérieur des terres creusèrent des cavités béantes dans les sols, allant jusqu’à créer des failles de plusieurs kilomètres de long. L’intégralité du visage de la Terre fut changée en l’espace de deux jours, et rien ne pouvait laisser seulement deviner les causes d’un tel désastre.

Mais rien ne bougea à Nocte. En plein cœur de l’hiver, l’île désertée par les touristes contempla ses sœurs submergées, ravagées et brisées en morceaux de roches se faire aspirer par les eaux furieuses ; les habitants d’ailleurs, observèrent, effarés, et beaucoup se réfugièrent dans la cathédrale ou encore, dit-on, à Simmer Dim. On ne sait la raison pour laquelle Nocte n’a pas été touchée. Certains supposent un placement entre divers courants marins et aériens qui auraient permis d’éviter les vagues et les tempêtes. D’autres, plus nombreux, murmurent que l’île s’est défendue contre les ravages qu’un Dieu coléreux a infligé à la Terre, et qu’en cela, elle s’est hissée au rang de divinité à part entière. La tradition depuis, est d’offrir à chaque nouveau-né une petite croix de métal et de pierre, extrait sacré de la terre, et que l’enfant le porte autour du cou toute sa vie en gage de son lien avec l’île. Les temps ne devaient pas beaucoup changer alors sur Nocte, hormis la régression en matière de technologies ; l’occasion fut donnée d’inaugurer un générateur puisant son énergie à partir de la force des courants marins, et ainsi l’île, dans sa majorité, put continuer à user d’électricité, malgré les pannes fréquentes, cause de l’utilisation majeure de puissance électrique par les laboratoires. Les existences reprirent leurs cours, et le présent continua sagement sa route.

<< Rien ne semblait pouvoir déranger la bonne marche de la vie à Nocte… On s’informait du monde, contemplait les dégâts vu aux rares émissions de télévision en provenance du continent en hochant la tête d’un air navré ; mais au fond, qui s’en souciait ? Tant que l’on était sur l’île, que l’on ne traînait pas la nuit au dehors et que les enfants portaient leurs croix de pierre, tout était bien… Et les horreurs et les atrocités du monde ne touchaient qu’à peine le cœur des plus compatissants. L’écho des cris de la mer suffisait bien, on n’allait pas écouter trop longtemps aussi ceux des malheureux d’un ailleurs dont on peinait même parfois jusqu’à croire l’existence… Oh, il y avait bien les hélicoptères qui ramenaient parfois des étrangers, des gens douteux dont on se méfiait, et qu’on accueillait avec dédain et mépris : ils ne comprennent pas même le patois de Nocte ! Et puis, ils meurent vite, alors… On ne sait pas trop pourquoi, ni comment, mais c’est ainsi et peut-être, si l’on ne les approche pas de trop près, personne ne sera « contaminé » par leur folie… Après tout, qui se soucie du sort des non-natifs ? >> P. Hubertson, historien noctéen.





<< Le temps passé n'est plus, l'autre encore n'est pas, et le présent languit entre vie et trépas ;
bref, la mort et la vie en tout temps est semblable. >>




" Hurle et mords plus fort que la Bête..."